Pologne
La droite populiste au pouvoir en Pologne
Par Laurin Berresheim | Pologne

Depuis les élections législatives en octobre 2015 remportées par le parti conservateur Droit et Justice (Prawo i Sprawiedliwość – PiS), le gouvernement polonais a fait l’objet de critiques à maintes reprises pour une politique nationaliste et des réformes et des décisions estimées anti-libérales. Cette évolution semble refléter une montée de l’extrémisme et du populisme à travers l’Union Européenne, tandis qu’elle est d’autant plus signifiante en Pologne dans la mesure où elle ne se limite à des partis marginaux de la scène politique ou des partis de l’opposition. Cet article décrit comment le PiS se situe sur la scène de l’extrémisme droite en Pologne et par rapport à d’autres partis populistes, extrémistes européen qui connaissent un soutien croissant en ce moment.

L’extrême droite traditionnelle

Les deux principaux groupements de l’extrême droite en Pologne sont le Mouvement National (Ruch Narodowy – RN) et la Renaissance Nationale de la Pologne (Narodowe Odrodzenie Polski – NOP). Parmi ces deux, seul le NOP est véritablement un parti politique officiellement registré et qui profite donc de la protection des institutions de l’état. Il s’agit d’un parti fasciste et antisémite qui a connu son essor lors des années 1990 à travers l’adhésions de nombreux membres de subcultures de skinheads[1]. Il n’est pourtant pas représenté dans le parlement.

« Korwin-Mikke est ainsi contre le droit de vote des femmes […] et s’est fait remarquer à Bruxelles au Parlement où il a terminé l’un de ses discours avec un salut nazi »

Le RN a été fondé par les dirigeants du Camp National-Radical (Obóz Narodowo-Radykalny – ONR) et du mouvement de jeunesse allié la Jeunesse de Toute-Pologne (Młodzież Wszechpolska – MW) – tous deux des organisations d’extrême droite qui s’inspirent du parti d’extrême droite hongrois Jobbik et de l’idéologie antisémite et fasciste du nazisme. Ils attirent l’attention surtout lors de défilés annuels organisé à l’occasion de la fête de l’indépendance le 11 Novembre et récemment par des manifestations massives contre l’accueil de réfugiés en Pologne[2]. Ce mouvement est supporté entre autre par Janusz Korwin-Mikke, fondateur et ancient dirigeant de l’Union de la Politique Réelle (Unia Polityki Realnej – UPR) qui est parmi les partis associés au RN[3].

Janusz Korwin-Mikke est un député au parlement européen depuis les élections en 2014 et qui avait été (vainement) sollicité par le Front National sous Marine Le Pen pour une coalition de l’extrême droite[4]. Ce politicien charismatique se fait surtout remarquer par ses idées eurosceptiques, ultralibérales, mysogynes et anti-immigrants, et par des interventions racistes ou révisionnistes lors de débats au parlement européen[5]. Il est ainsi contre le droit de vote des femmes, qu’il juge “trop stupide”[6], et s’est fait remarquer à Bruxelles au Parlement où il a terminé l’un de ses discours avec un salut nazi[7]. Il participe régulièrement aux élections présidentielles en Pologne et a obtenu 3,26% des voix au premier tour en 2015, ce qui lui a permit de tomber sur la quatrième place[8].

Cette popularité lors des élections présidentielles paraît signaler un succès croissant du populisme en Pologne. Elles avaient aussi fortement favorisé le musicien punk rock Paweł Kukiz, qui malgré une campagne électorale chaotique et l’absence de parti, a remporté 20% des voix et est tombé sur la troisième place au premier tour. Ce succès marque clairement un mécontentement avec l’establishment politique[9]. Pourtant, tous les groupements et personnages évoqués représentent plutôt des éléments marginaux de la scène politique polonaise et il faut noter que la montée du populisme et l’extrémisme en Pologne concerne pas moins le mainstream de la politique polonaise.

Le PiS: Un parti de droite populiste au pouvoir

Le parti PiS, au pouvoir depuis les élections législatives en octobre 2015, partage des idées nationalistes, euro-sceptiques et russophobes, et un populisme basé sur des ressentiments contre les migrants. La ressemblance à certains parti d’extrême droite de l’Europe de l’Ouest comme le FN ou le Parti pour la Liberté (Partij voor de Vrijheid – PVV) aux Pays-Bas est surtout suggéré par le dirigeant du PiS Jaroslaw Kaczynski qui est souvent comparé avec d’autres leaders de l’extrême droite en Europe comme Marine Le Pen ou Geert Wilders, en raison de ses propos xenophobes et son mépris pour le politiquement correct. Bien que Kaczynski, ancien premier ministre de la Pologne, ne détient pas de poste officiel au gouvernement il est considéré comme le dirigeant du pays derrière les coulisses[10].

Depuis les élections présidentielles en Mai 2015 remportée par Andrzej Duda suivies par les élections législatives en octobre, le PiS est le premier parti dans l’histoire de la Pologne post-communiste à occuper le poste de président et à avoir une majorité absolue au parlement en même temps[11]. Ce succès considérable illustre un tournant vers la droite en Pologne qui semble refléter une montée générale de mouvements de l’extrême droite en Europe. L’inquiétude des Polonais face à la crise migratoire et l’opposition à l’accueil de réfugiés est sans doute une raison pour cette évolution, dans un un pays très homogène, composé à plus de 90% de personnes d’ethnie polonaise et où l’identité ethnique joue un rôle important[12]. Toutefois, un facteur important pour le succès du PiS a aussi été le mécontentement avec le parti Plateforme Civique (Platforma Obywatelska – PO) qui avait gouverné le pays pendant 8 ans jusqu’aux élections en 2015 et dont l’image avait considérablement souffert pendant la dernière période législative[13].

« Les réformes anti-démocratiques en Pologne sont souvent comparées aux mesures implémentées par le parti hongrois Fidesz »

Peu après son arrivée au pouvoir, le PiS a initié une série de réformes visant à consolider son pouvoir. Depuis, les juges de la court constitutionnelle nominés par le gouvernement précédent ont été empêchés d’assumer leur poste et ont été remplacés par le PiS; une réforme de la court constitutionnelle a augmenté le scrutin nécéssaire pour la prise de décisions; les chefs des quatre services de sécurités ont ‘volontairement’ quitté leurs postes pour laisser leurs places à des personnes affiliés au PiS; une nouvelle loi des média a donné au gouvernement le droit de désigner directement les postes les plus importants dans la radio et la télévision publique[14]. Ces mesures n’ont pas seulement provoqué la critique de politiciens et des medias à travers l’Europe, mais la société civile a régulièrement organisé des manifestations pour protester contre une politique jugée anti-démocratique[15].

La Commission Européenne a réagi en lançant pour la première fois un mécanisme de sauvegarde de l’Etat de droit lui permettant de conduire des investigations le pays concerné et de sanctionner si la Commission estime que les valeurs fondamentales de l’UE sont transgressées[16]. Les réformes anti-démocratiques en Pologne sont souvent comparées aux mesures implémentées par le parti hongrois Fidesz entre 2010 et 2012 qui également a pris le contrôle des médias publiques et changé la constitution du pays en sa faveur. Les ressemblances sont en effet remarquables, d’autant plus que Kaczynski ne manque pas d’exprimer son admiration pour Viktor Orban. Cependant, la Commission a décidé d’agir plus fermement dans le cas de la Pologne, ayant tiré des leçons de son indétermination dans le cas de la Hongrie[17]. Au moment de la rédaction de cet article, les résultats de ces investigations et leurs conséquences ne sont pas encore connues.


Sources:

[1] Pankowski, Rafał (2013): Rechtsextremismus in Polen – Gruppierungen, Narrationen, Gegenbewegungen, Polen-Analysen, pp. 3-4.

[2] Ibid pp. 2-3; Kokoszczyski, Krzysztof (2015): Polish Extreme Right Bares its Teeth, on: EurActiv.

[3] Ibid.

[4] Focraud, Arnaud (2014): La défaite européenne de Marine Le Pen, on: Le JDD.

[5] Voir Macdowall, Andrew (2015): Polish presidential election: legalise child pornography and scrap benefits, promises candidate, on: The Telegraph; Day, Matthew (2015): Polish MEP investigated after he performed Nazi salute during European Parliament debate, on: The Telegraph.

[6] Godin, Romaric (2014): Qui est donc cet étrange allié polonais du FN au parlement européen, on: La Tribune.

[7] Voir la vidéo Youtube “Too far – Polish MEP gives nazi Salute shouts fascist slogan in EU Parliament”.

[8] Voir le rapport suivant à l’adresse suivante: http://prezydent2015.pkw.gov.pl/pliki/1_Obwieszczenie.pdf.

[9] Oryński, Tomasz (2015): Surprising Results of the Polish Presidential Elections, on: Orynski.eu.

[10] Adekoya, Remi (2015): A Law and Justice Victory in Poland Could be Good News for Putin, on: The Guardian.

[11] Rettman, Andrew, “Right-wing Populists win Outright Majority in Poland”, EUObserver, 26 Octobre 2016, https://euobserver.com/political/130840 [Consulté le 05.03.2016].

[12] Tiido, Anna (2015): Right-wing Politics in Poland: The Unbearable Lightness of Populism, on: Diplomaatia.

[13] Ibid.

[14] Müller, Peter; Neukirch, Ralph; Pauly, Christoph; Puhl, Jan; Schult, Christian (2016): An Attack on Democracy? Worries Over Poland Mount in Brussels and Berlin, on: Spiegel International.

[15] Deutsche Welle (2016): Thousands Protest Polish Government, Defend Former President, on: Deutsche Welle.

[16] Le Monde (2016): Pologne: comment faire respecter l’Etat de droit dans l’UE?, on: www.lemonde.fr.

[17] Gostyńska-Jakubowska, Agata (2016): Why the Commission is Treating Poland More Harshly than Hungary in its Rule of Law Review, on: EuroppBlog.